"La Fehap demande la fin du coefficient de minoration comme le suggèrent l'Igas et l'IGF"

Pour sa dernière rentrée, Antoine Perrin, directeur général de la Fehap, revient dans un échange avec Hospimedia sur les dossiers d'actualité. Parmi eux se trouvent les conclusions de la mission d'évaluation des différentiels entre les établissements publics de santé et privés à but non lucratif ou encore les revalorisations oubliées.

Antoine Perrin (Fehap/Patrice Le Bris)

Antoine Perrin (Fehap/Patrice Le Bris)

Hospimedia : "En novembre prochain, vous quittez la direction générale de la Fehap, quels sont les dossiers prioritaires d'actualité pour votre dernière rentrée ?

Antoine Perrin : Les établissements relevant du secteur privé non lucratif doivent nécessairement trouver un équilibre financier. Sans cela, leur existence est menacée. Au titre de nos missions de service public de santé et de nos missions d'intérêt général dans le médico-social, la Fehap considère que cela justifie que les établissements et structures de notre secteur soient traités comme ceux du public. Et c'est pour cela que nous pointons certains dysfonctionnements. Concernant par exemple les revalorisations du Ségur 1. Elles ont démarré dans le secteur public. Le privé non lucratif a obtenu dans la foulée pour les structures sanitaires et pour personnes âgées les mêmes revalorisations au même moment... théoriquement parlant. Sur le terrain, ce n'est pas toujours le cas et malgré les rattrapages programmés par le dernier Gouvernement de Jean Castex, il reste encore des reliquats. Pour le Ségur 2, à l'origine, le privé non lucratif ne devait recevoir que 70% du financement par rapport au public. Entre les deux tours de l'élection présidentielle, la promesse d'un financement à 100% a été faite. Sauf que la Direction de la sécurité sociale (DSS) propose aujourd'hui un chiffrage plus bas que celui de la Fehap. Nous considérons que les 25 millions d'euros (M€) annoncés par la DSS sont insuffisants. La Fehap envisage plutôt un coût de 35 à 40 M€ et des discussions sont en cours. Pour ce qui est du Ségur investissement, je salue l'intervention du Conseil d'État pour faire modifier le projet de loi du Gouvernement sur la reprise de la dette qui n'était destinée à l'origine qu'au public. Mais finalement, en dehors de l'Île-de-France et un peu des Hauts-de-France et de la région Auvergne-Rhône-Alpes, ce dispositif a vraiment privilégié le secteur public.

Il reste encore dans notre secteur 200 000 salariés qui n'ont eu ni revalorisation, ni promesse d'évolution comme ceux des filières administratives ou logistiques qui travaillent par exemple dans les blanchisseries ou les jardins. Cette situation entraîne une tension sociale extrêmement forte.

Quant aux extensions des mesures du Ségur aux structures médico-sociales via les accords dits Laforcade. Les établissements nous signalent encore que les enveloppes qui leur sont accordées ne correspondent pas à leurs besoins. À cela s'ajoutent les revalorisations annoncées de 183 € par le Premier ministre Jean Castex lors de la conférence des métiers de l'accompagnement social et médico-social le 18 février dernier pour tous les professionnels des métiers socio-éducatifs des établissements sous l'autorité de l'Assurance maladie mais aussi des départements. Huit mois plus tard, seuls huit départements ont mis en œuvre cette revalorisation. Les autres ne répondent pas à nos demandes ou disent qu'ils attendent les financements de l'État pour le faire. Par ailleurs, ils restent encore dans notre secteur 200 000 salariés qui n'ont eu ni revalorisation, ni promesse d'évolution comme ceux des filières administratives ou logistiques qui travaillent par exemple dans les blanchisseries ou les jardins. Cette situation entraîne une tension sociale extrêmement forte.

H. : Vous attendiez également depuis 2020 les conclusions de la mission lancée par Agnès Buzyn alors ministre des Solidarités et de la Santé demandant aux inspections générales des affaires sociales (Igas) et des finances (IGF) d'analyser les différentiels de charges fiscales et sociales et de rémunération entre les établissements publics de santé et ceux à but non lucratif, quelles sont leurs conclusions ?

A. P. : Nous venons en effet d'en prendre connaissance alors qu'elles n'ont pas encore été rendues publiques. Dans leur rapport de mission, les deux inspections recommandent la suppression pour les établissements de santé privés non lucratifs du coefficient de minoration destiné à récupérer les avantages retirés du pacte de responsabilité et du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires (CITS). La Fehap demande la fin du coefficient de minoration comme le suggèrent l'Igas et l'IGF. En cas de refus ou d'absence de réponse, nous envisageons de déposer un contentieux. Les inspecteurs suggèrent aussi d'établir chaque année un suivi d'évaluation des différentiels. L'application de ces deux recommandations est d'autant plus importante pour la Fehap que nous sommes actuellement en train de négocier avec Nexem une convention collective unique étendue.

H. : Quid de la prime grand âge ?

A. P. : Cette dernière nous a été accordée avec deux ans de retard par rapport au secteur public pour tous les professionnels du grand âge. Le financement de la première partie du dispositif pour 2021 s'élevant à 13 M€ n'a toujours pas été distribuée. Seuls 18 M€ ont été attribués pour 2022. En l'absence de réponse du Gouvernement sur ce manque à gagner, la Fehap, comme elle l'a annoncé en juin, vient donc de déposer un recours en Conseil d'État.

Nous attendons que des mesures permettant d'aller jusqu'au bout des revalorisations annoncées soient inscrites dans le PLFSS 2023.

H. : Quelles autres initiatives envisagez-vous ?

A. P. : La fédération demande que le niveau de financement des revalorisations accordées correspondent aux besoins des établissements et structures. Nous attendons que des mesures permettant d'aller jusqu'au bout des revalorisations annoncées soient inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2023. En ce qui concerne les métiers socio-éducatifs, nous souhaitons que les départements respectent leurs engagements de financement. Dans ces conditions nous redoutions cet été une rupture de continuité des soins et d'accompagnement. À notre connaissance elle n'a pas eu lieu. Par contre, certains responsables d'établissement nous ont rapporté avoir eu recours à des recrutements de personnes ayant des niveaux de compétences inférieurs à ceux recherchés en l'absence de professionnels qualifiés pour prendre ces postes. Cela laisse craindre pour l'avenir la perspective d'une dégradation de la qualité des soins et de l'accompagnement.

H. : Vous redoutez aussi les conséquences de l'inflation ?

A. P. : La hausse du coût de l'énergie est considérable entraînant des augmentations par trois voire quatre des dépenses avec une énorme crainte pour l'hiver prochain. Dans le cadre d'une étude interne à la Fehap lancée cet été auprès des responsables d'établissements médico-sociaux, une association pour adultes et jeunes handicapés a évalué une augmentation de plus de 170 000 € entre son prévisionnel de dépenses annuelles et sa réestimation.
Le Gouvernement nous a promis une enveloppe pour contrecarrer l'inflation mais d'ores et déjà il nous a prévenus qu'elle ne pourrait compenser dans son intégralité le coût des augmentations."

Propos recueillis par Lydie Watremetz

Source : hospimedia

 

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