Inaptitude à tout emploi : attention au périmètre de recherche du reclassement

En cas d'inaptitude à un emploi prononcée par le médecin du travail, l'employeur est tenu à une obligation de recherche de reclassement dans l'entreprise ou au sein du groupe, s'il existe.

L'inaptitude, d'origine professionnelle ou non, ne peut être prononcée que par le médecin du travail. Dans ce cas, l'employeur est obligé de rechercher un poste équivalent ou conforme aux capacités du salarié déclaré inapte avant d'envisager un licenciement. Le périmètre de cette recherche est primordial et est un facteur déterminant dans le bienfondé d'un licenciement pour inaptitude.

La recherche de reclassement en cas d'inaptitude à un emploi

La recherche de reclassement s'apprécie au niveau de l'entreprise. Si un groupe existe, elle doit s'effectuer dans toutes les entreprises du groupe, situées en France et ayant des activités similaires avec la société d'origine permettant un transfert de personnel (Art. L.1226-2 C. trav. ; Art. L.1226-10 C. trav.).

En cas d'impossibilité de reclassement matériel, de refus du salarié ou si le médecin du travail mentionne l'impossibilité de reclassement à tout emploi dans son avis d'inaptitude, l'employeur peut licencier le salarié inapte (Art. L.1226-2-1 C. trav. ; Art. L.1226-12 C. trav.).

Dans deux arrêts rendus le 8 février 2023, chaque salarié avait été déclaré inapte par le médecin du travail :

Dans la première situation ( soc. 8 fév. 2023, n°21-19.232), le médecin du travail a déclaré que « l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans l'emploi ».

Dans la seconde décision ( soc. 8 fév. 2023, n°21-11.356), le médecin du travail a déclaré que « l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans cette entreprise » et relève l’existence d’un groupe.

La Cour de cassation profite donc de ces situations connexes pour rappeler sa position quant au périmètre de l'obligation de reclassement en cas d'inaptitude.

Le périmètre de reclassement en cas d'existence d'un groupe

Si un groupe existe, l'employeur doit le prendre en compte dans sa recherche de reclassement. Dans ces deux situations, le médecin du travail a mentionné stricto sensu que le salarié concerné était inapte à tout emploi. Malgré des similitudes, la réponse de la Cour de cassation est différente d'un arrêt à l'autre.

Dans la première décision, l'avis d'inaptitude du médecin du travail mentionnait l'impossibilité d'un reclassement à tout emploi. De fait, l'employeur est dispensé de son obligation de reclassement et va procéder au licenciement du salarié pour inaptitude. Dans cette situation, le salarié requérant soulevait l'existence d'un groupe. Cependant, la Cour considère que la mention du médecin du travail, portant sur « l'impossibilité de reclassement du salarié à tout emploi », dispense l'employeur de sa recherche de reclassement. Peu important l'existence dudit groupe.

Dans la seconde décision, l'avis du médecin du travail mentionnait « l'impossibilité de reclassement à tout emploi dans l'entreprise ». Au vu des échanges entre le médecin du travail et l'employeur, les juges ont pu constater l'existence d'un groupe. Ainsi, en mentionnant l'impossibilité de reclassement dans l'entreprise en question, le médecin du travail, n'ignorant pas l'existence du groupe, ne dispensait pas l'employeur de rechercher un emploi correspondant aux capacités du salarié dans les autres entreprises du groupe. De fait l'employeur a manqué à son obligation et le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

L'avis d'inaptitude du médecin du travail est donc le critère déterminant dans l'appréciation du périmètre de la recherche de reclassement par l'employeur.

Ces décisions sont en partie conformes à la position de la Cour de cassation : seules les conclusions écrites du médecin du travail émises lors de la visite de reprise, peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l'employeur de ses obligations en matière de reclassement (Cass. soc. 22 fév. 2000, n°97-41.827).

Néanmoins, la solution retenue pour la première décision semble sévère. En effet, il semble qu'un groupe existait bel et bien. De plus, les juges de cassation considèrent que l'avis d'inaptitude à tout emploi ne dispense pas l'employeur de rechercher des emplois correspondant aux capacités du salarié (Cass. soc. 10 mars 2004, n°03-42.744). Cette position parait encore plus sévère au regard du Code du travail qui prévoit une recherche de reclassement au niveau du groupe, s'il existe, sans condition préalable d'une mention écrite particulière par le médecin du travail.

En décidant d'écarter cette éventualité, la Cour de cassation fait un choix contestable en plaçant l'avis d'inaptitude et les mentions écrites du médecin du travail comme facteur déterminant de l'appréciation du bon respect de l'obligation de recherche d'un reclassement pour le salarié.

Source NVO Droits juin 2023 : https://droits.nvo.fr/veille/inaptitude-a-tout-emploi-attention-au-perimetre-de-recherche-du-reclassement/

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