La justice renforce les droits des salariés en arrêt maladie

La Cour de cassation et la cour d’appel de Versailles viennent de juger que l’application d’un article du Code du travail est illégale : celui-ci interdit aux salariés en arrêt maladie d’acquérir des congés pour l’année suivante, ce qui est contraire au droit européen.

Révolution en vue pour tous les employeurs de France. À quelques semaines d’écart, deux des plus hautes institutions judiciaires du pays ont donné tort au Code du travail, jugeant que la loi hexagonale n’est pas conforme au droit européen. Jusqu’à présent, un·e salarié·e en arrêt maladie n’acquiert pas pendant son absence de congés payés pour l’année suivante, car ce type de congé n’est pas considéré par la loi comme un temps de travail effectif – contrairement au congé maternité, par exemple.

Dans cinq décisions distinctes rendues le 13 septembre, la Cour de cassation a tranché : cette particularité est illégale, car elle est contraire à la directive européenne sur le travail, datée de 2003, qui n’a jamais été transposée dans le droit français et prévoit l’inverse : « Les salariés atteints d’une maladie ou victimes d’un accident, de quelque nature que ce soit (professionnelle ou non professionnelle), ont le droit de réclamer des droits à congé payé en intégrant dans leur calcul la période au cours de laquelle ils n’ont pas pu travailler », explique la Cour.

L’institution se réjouit de garantir « une meilleure effectivité des droits des salariés ». Dans deux autres décisions, elle précise que le droit à acquérir des congés n’est pas limité dans le temps et vaut quelle que soit la durée de l’arrêt.

Deux mois plus tôt, le 17 juillet, c’est la cour administrative d’appel de Versailles qui avait déjà jugé dans le même sens. Saisie par la CGT, Force ouvrière et Sud-Solidaires, elle avait condamné l’État pour ne pas avoir transposé la directive européenne sur ce point.

Ce sont donc deux camouflets coup sur coup pour le gouvernement, dont la réaction est, pour le moment, minimale. « Nous prenons acte de l’arrêt de la Cour de cassation et analysons les options possibles », a commenté le ministère du travail, sans s’engager à faire supprimer par le Parlement les dispositions litigieuses du Code du travail.

Pourtant, le sujet est loin d’être une découverte pour l’État, comme l’a rappelé la CGT dans un communiqué début août : dès 2013, la Cour de cassation l’avait signalé dans un rapport et conseillait de modifier la loi, « afin d’éviter […] des actions en responsabilité contre l’État ».

Les décisions de la Cour de cassation devraient sonner comme un signal d’alerte pour les entreprises. L’arrêt de la cour d’appel n’était pas d’application directe, car il nécessitait qu’un particulier engage une action en justice contre l’État pour faire reconnaître son préjudice, puisque l’employeur est tenu d’appliquer le Code du travail et ne peut pas y déroger, en théorie.

Mais la position de la Cour de cassation a une conséquence bien plus menaçante pour les employeurs : elle a pris soin d’indiquer que désormais, les juges français peuvent laisser « au besoin inappliquée » la loi actuelle. Pour aboutir à cette conclusion, la Cour de cassation a mobilisé non seulement la directive européenne, mais aussi la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui affirme le droit de tout travailleur « à une période annuelle de congés payés ».

Autrement dit, la plus haute juridiction française estime que les articles du Code du travail incriminés peuvent être écartés par la justice, même s’ils ne sont pas supprimés officiellement. Tout·e salarié·e peut donc désormais demander l’application de cette jurisprudence à son employeur. En cas de refus, il ou elle est en droit de saisir les prud’hommes, qui devront lui donner raison, en se basant sur l’avis de la Cour.

14 septembre 2023 |- Par Dan Israel (Mediapart)

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